dimanche 7 juin 2020

JUIN 2020


Vraie et fausse charité



Nous reproduisons un extrait de la Lettre des dominicains d'Avrillé n°37 (Mars 2006)

Chers parents, amis et bienfaiteurs,

Le 12 mars 1989, Mgr Marcel Lefebvre donnait une conférence au M.J.C.F. sur le thème de la charité.  C'est cette conférence, légèrement remise en forme et complétée, que nous vous livrons ici.

Notre-Seigneur nous a dit que les commandements de Dieu se résument dans les deux commandements de l'amour de Dieu et du prochain:


Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. C'est là le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux commandements se rattachent toute la loi et les prophètes (Mt 22,37-40).

Saint Paul l'a confirmé:

Plenitudo legis est dilectio : Celui qui aime accomplit toute la loi (Ro 13, 10).

La charité est donc le commandement fondamental, celui que Dieu nous impose en nous créant.
Pourquoi cela? Parce que Dieu est charité: Deus caritas est, c'est ce que dit saint Jean dans sa première épître (4, 16). Tout est charité en Dieu: c'est comme une lumière qui illumine toute la divinité.

Il est normal que, si Dieu est charité, il nous demande aussi de l'imiter et d'être, comme lui, charité.  Cette charité est diffusée en nous par l'Esprit- Saint : l'Esprit-Saint, c'est la charité en Dieu, c'est le lien de charité entre le Père et le Fils.

La vraie charité

On nous fait des objections: «Ah! vous n'êtes pas charitable, parce que vous êtes intolérant, vous êtes intransigeant. Vous êtes contre la charité. »

Puisque Dieu a voulu se donner la peine de venir parmi nous, dans toute sa vie, dans tout son comportement, dans toute son attitude, il a été charité.  Il ne peut pas être autre chose. Notre-Seigneur Jésus-Christ n'a pas pu faire le moindre geste qui fût contre la charité: ce n'est pas possible étant donné que sa propre définition, c'est la charité!

Notre-Seigneur a été très bon, très miséricordieux vis-à-vis de ceux qui reconnaissaient leurs  fautes, leurs misères, qui étaient  donc dans la vérité : voyez sainte Marie-Madeleine, la femme adultère, tous les malades, les estropiés, qui représentaient pour lui les pécheurs; car il est venu pour les pécheurs, pour ceux qui, comme le publicain, confessaient leurs péchés et lui donnaient leur foi, se mettaient dans la lumière de la vérité de la foi : « Si tu crois, tout est possible а celui qui croit. Va, ta foi t'a sauvé. »


Mais en revanche, vis-à-vis de ceux qui s'opposaient à lui, à son message de vérité, qui refusaient de le croire, qui refusaient de se reconnaître pécheurs, alors Notre-Seigneur était très dur: « Malheur а vous scribes et pharisiens hypocrites, sépulcres blanchis, génération perverse et adultère ».  Il était surtout terrible avec ceux qui étaient élevés en dignité et qui empêchaient les autres de venir à lui, qui les détournaient de la vérité.

La vraie charité, écrit l'abbé Roussel , sait que le premier bien est la vérité: la propager sera donc son premier devoir. Et, parce qu'elle aime avec ferveur, elle déteste avec vigueur: elle voue une haine implacable au mal, à l'erreur, au péché, et elle vise à ruiner tous les obstacles qui s'opposent à la mission apostolique de l'Église.  Commentant la parole de saint Paul: «focientes veritatem in caritate (faisant la vérité dans la charité) »,  le cardinal Pie écrit: « La charité implique avant tout l'amour de Dieu et de la vérité; elle ne craint donc pas de tirer le glaive du fourreau pour l’intérêt de la cause divine ; sachant que plus d'un ennemi ne peut être renversé ou guéri que par des coups hardis et des incisions salutaires ». (Abbé A. ROUSSEL, Libéralisme et catholicisme, Rennes, 1926, p. 77-78.)

On peut expliquer un peu cette attitude de la vraie charité en demandant à saint Thomas d'Aquin quelques lumières. La vraie charité consiste à aimer Dieu par-dessus toutes choses et le prochain pour l'amour de Dieu.  Or, nous dit saint Thomas, aimer le prochain pour l'amour de Dieu, cela signifie deux choses: qu'il faut aimer son prochain « pour ce qu'il y a de Dieu en lui (Amatur propter id quod est Dei in ipso (II-II, q. 25, a. 1, ad 1)) » et « pour le porter à Dieu (Hoc debemus in proximo diligere, ut in Deo sit (II-II, q. 25, a. 1)) ».

-  « Pour ce qu'il y a de Dieu en lui. » Ce n'est pas compliqué, ce n'est pas long comme formule. Mais c'est très profond. Tirons-en les conséquences :
  
Qu'est-ce qu'il y a de Dieu dans notre prochain? Il y a toute la création, toutes les qualités que le Bon Dieu a mises en lui : la vie, l'intelligence, la volonté.  Ensuite toutes les qualités qu'il a acquises avec l'aide de Dieu, toutes ses vertus.
  
Qu'est-ce qui ne vient pas de Dieu? Le péché, les mauvaises tendances: cela ne vient pas de Dieu. Donc, il ne faut pas l'aimer. Or, précisément, c'est ce que les hommes, souvent, aiment ou flattent dans les autres. Hélas!    
Par exemple, des parents ont quelquefois cette mauvaise habitude de flatter les mauvais instincts de leurs enfants. On leur dit: « Votre fils, il a mauvais caractère! ».   Ils répondent: « Oh ! Mais c'est qu'il a de la volonté! » On excuse ainsi le mauvais caractère de l'enfant en disant: « Il a de la volonté, il sait ce qu'il veut. » Oui, il sait ce qu'il veut, mais précisément il veut le mal.  « Ça n'a pas d'importance : pourvu qu'il ait du caractère, ce sera un homme. » Et voilà !
  
Des choses comme cela sont ridicules, mais très mauvaises pour les enfants! Dans ce cas-là, on n'aime pas ce qu'il y a de Dieu dans l'enfant. On aime ce qui vient de lui, les mauvaises tendances, les défauts.
  
-  «Il faut aimer le prochain pour le porter à Dieu», dit encore saint Thomas. Donc, si on veut vraiment manifester son amour envers le prochain, on doit faire tout son possible pour l'encourager à faire le bien, à faire ce que le bon Dieu veut. C'est ça, la vraie charité ! Le reste est contraire à la charité.
       
Sans doute, il ne faut pas toujours faire des reproches; mais si on est assez intime avec quelqu'un, et si on lui fait un petit reproche sur telle ou telle chose pour lui faire du bien, il ne faut pas que la réaction de l'ami, ou la réaction des personnes qui nous entendent, soit: « Oh ! Quand même! Vous n'êtes pas charitable vis-à-vis de votre ami! Qu'est-ce que vous lui avez dit ?  Vous lui avez fait une remarque ! »
 
Si c'est une remarque qui est faite avec gentillesse, avec bonté, manifestant, justement, le désir de faire du bien et non pas le désir de mépriser, c'est manifester sa charité ! Une maman qui reprend son enfant, ou un papa qui corrige son enfant, ne manquent pas à la charité. Pas du tout !  Au contraire, ils manifestent leur charité envers leur enfant, dont ils veulent  essayer de corriger les défauts pour lui rendre service, pour le remettre dans le droit chemin.   
On sait bien que soi-même, on n'est pas parfait: on peut quand même vouloir faire du bien; ce n'est pas manquer à la charité, au contraire !

(Suite en juillet)

Résolution

Après ce mois de mai où nous nous sommes efforcés de mieux nous unir à notre Bonne Mère du Ciel par la consécration selon la méthode de Saint Louis-Marie, nous nous examinerons sur notre manière de comprendre la Charité, Notre-Dame nous étant un parfait modèle !  Comment considérons-nous notre prochain ?