« Paix aux hommes de bonne volonté »
Il faut reconnaître, il est vrai,
que ces dissensions ne sont souvent que le fruit de l'inadvertance; j'admets
aussi que ce ne sont ordinairement que de légère colères, de petites aversions,
des conflits de langue et non d'épée, et
que l'animosité ne va pas jusqu'aux vengeances extrêmes et scandaleuses. Mais,
à force d'en répéter les actes, on prend la mauvaise habitude du vice, en même
temps que l'âme perd peu à peu l'habitude de la vertu. En manquant de cette
manière à la charité, on se fait une conscience large et aveugle, pour laquelle
les poutres ne sont plus que des fétus de paille. On arrive ainsi à la mort, et,
à ce moment suprême, on se trouve dans l'inquiétude et la désolation.
Le Paradis est, en effet comme
une cité close dont la paix forme les murs d'enceinte, selon la vision et les
paroles du prophète: Il a placé la paix
pour former tes frontières (Ps 147,14). Comment, alors, et par quel côté
pourra y entrer une âme, qui n'a point aimé la paix avec ses semblables?
Saint Augustin, méditant sur le
texte que nous venons de citer, nous exhorte à en peser la valeur: Mes frères, dit-il, nous devons être pénétrés d'une grande crainte, en considérant ces
redoutables paroles du Saint-Esprit: Il a placé la paix pour former tes
frontières. Ces portes bienheureuses sont toutes faites de paix, et elles
seront fermées de tous les côtés à quiconque ne portera pas les livrées de la
paix: Celui qui n'aura pas eu, envers les
bons et les méchants, cette paix et cette charité, commandées par Jésus-Christ,
trouvera ces portes closes et fermées (Sermon 168).
P.Gaëtan-Marie de Bergame
La Charité Fraternelle (p 111, 112)