La Charité : qu’est-ce ?
Je parlais de charité et d'amour.
Or, une des marques de la charité (et il y en a beaucoup d'autres, mais je choisis
celle-là de préférence, parce qu'elle se rapporte à mon sujet), une des marques
de la charité, de l'amour pur, le seul dont on puisse parler dans l'assemblée
des Saints, c’est d'échanger un secret. Un homme qui fait une confidence fait
un acte de confiance intime, il livre le fond de son âme à celui auquel il se
confie. C'est ainsi que les choses se passent parmi nous, et c'est ainsi qu'elles
se passent chez Dieu. Lorsque le Seigneur aime, il ne peut plus retenir ses
secrets. Il est d'une incomparable faiblesse, le Seigneur, dès lors qu'il aime.
Le bienheureux Jacopone da Todi,
auteur présumé du Stabat Mater, contemplant les excès d'amour, les folies du Seigneur,
enivré de surnaturel, disait des extravagances. Ses supérieurs s'en émurent et
le reprirent. Un jour, le Seigneur lui-même parut le lui reprocher: «Attention,
du calme, il faut être discret; de l'enthousiasme bien, mais pas de ces exagérations,
pas de ces folies ». Et le bon Saint de répondre au Seigneur: « Ah ! Seigneur,
vous en avez fait bien d'autres! ».
Eh ! bien, oui, lorsque le Seigneur aime, il
fait des folies ... Rappelez-vous comment il parlait à Abraham. On dirait vraiment qu'il ne peut se contenir
avec son serviteur ; son secret lui pèse comme un intolérable fardeau, il ne peut
le garder, il faut qu'il le lui livre: « Pourrai-je
cacher à Abraham ce que je fais
faire? » (Gn 18,17). Son secret
lui échappe irrésistiblement. Oh ! que vous êtes faible, Seigneur !
Dieu n'a pas changé dans la loi
nouvelle. Par quel procédé, le Seigneur qui nous aimait, nous a-t-il montré son
amour? Il nous a dit. А nous pauvres atomes, il s'est livré tout entier. « Je ne vous nomme pas serviteurs ... mais je vous
appelle amis, car tout ce que j'ai
appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître» (Jn 15, 15). Voyez- vous?
Nous connaissons la sainteté de Dieu, nous connaissons ce que les Anges eux-mêmes
ignoraient, s'ils n'eussent été élevés à l'ordre surnaturel. Nous connaissons
ce que nulle créature ne pourrait connaître, à moins que Dieu lui-même ne le
lui eût dit. Ce mystère de la vie intime de Dieu, ce mystère de la fécondité de
Dieu, ce secret de Dieu, Dieu nous l'a révélé: c'est le mystère de la
Sainte-Trinité, cette glorieuse et ineffable fécondité de notre Dieu qui nous
le montre ne ressemblant à rien, et l'élevant au-dessus de tout.
Je vous en conjure, ne redoutez
pas ces hauteurs. Elles doivent vous être familières. C'est là le vrai Dieu, c'est
là le Dieu vivant. Le Dieu vivant n'est pas cette ombre indécise de la
Philosophie, la catégorie de l'Idéal, un instrument de politique utilitaire, un
thème de littérature honnête, la matière d'une belle interrogation. Non, le vrai
Dieu, c'est la Très Sainte Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Esprit: il n'y
en a pas d'autre. Mais si Dieu nous a révélé ce mystère, est-ce pour éprouver
notre intelligence ? Oh ! non, c'est pour couronner notre intelligence, pour
nous faire connaître le secret de sa vie intime, pour se dire tout entier, pour
nous faire comprendre le mystère de l'Incarnation, sans cela inexplicable, pour
nous faire comprendre aussi tout l'ordre surnaturel.
Dom Paul Delatte
(Contempler l’invisible, p 33, 34)
Résolution :
Pour bien recommencer notre croisade après cette longue pause,
remettons-nous face à ce qu’est vraiment cette vertu et méditons ce sujet en ce
temps du Carême, meilleure manière de nous préparer à nous bien unir à la
Passion de notre Sauveur. Cela nous
enthousiasmera dans notre travail apostolique, chacun à notre place.