La Charité dans la soumission au réel
Nous avons montré comment l'idéalisme,
lié indissolublement à l'orgueil de l'esprit, est la source de toutes les
erreurs et déviations du monde moderne et comment il a déformé la mentalité et
la structure psychologique de la plupart de nos contemporains. Les catholiques vivant
dans le monde contemporain et en respirant l'atmosphère n'ont pas toujours échappé
à cette déformation, et il arrive qu'il se trouve parmi eux des esprits faussés
par une imprégnation idéaliste.
L'effet de l'idéalisme sur les
chrétiens est de les amener à rechercher un ordre idéal, pleinement satisfaisant
pour la logique interne de l'esprit (et couvrant souvent ainsi d'un masque idéal
et d'une façade idéologique les rancœurs et les rancunes, les cupidités et les
revendications), au lieu de réaliser les
exigences de la charité dans les possibilités réelles de l'action de chaque
jour.
Le vrai chrétien n'est pas celui
qui satisfait son esprit avec de beaux sentiments et de belles théories, mais celui
qui accomplit chrétiennement les plus humbles actes de chaque instant en y réalisant
la foi et la charité. L'Evangile nous l'a déjà dit: ce ne sont pas ceux qui
disent « Seigneur, Seigneur », mais ceux qui accomplissent la volonté de Dieu
qui entreront dans le royaume. Et la volonté de Dieu nous est donnée à chaque
instant par le devoir du moment présent, dans lequel il s'agit d'incarner toute
la charité en nous y donnant totalement à ce que Dieu nous demande: la sainteté
se construit ainsi, instant par instant, par les actes effectivement réalisés
dans la donation de nous-mêmes par amour à la volonté de Dieu.
Les chrétiens d'aujourd'hui ont
grand besoin de relire les œuvres du R.P. de Caussade et le livre du R.P. Garrigou-Lagrange sur La Providence,
où ces grands auteurs spirituels insistent si
bien sur la réalité de l'instant présent, où il s'agit de réaliser notre christianisme, qui
ne consiste nullement en vues d'avenir. La
volonté de Dieu nous est donnée par la réalité qui est l'œuvre de Dieu (c'est
Dieu qui fait exister le réel et le constitue tel qu'il est) et il n'y a de réel
que l'instant présent: Dieu nous donne Sa volonté, nous dit ce qu'Il nous demande
par l'ensemble de circonstances réelles, de possibilités réelles qui sont son œuvre,
dans lesquelles Il nous situe à chaque instant et desquelles résultent pour
nous les devoirs précis à remplir effectivement au moment présent. Tout le
reste est chimère de l'orgueil qui nous détourne du devoir effectif. La soumission à
la volonté de Dieu exige donc la soumission de chaque instant au réel avec
toutes ses données qui sont l'œuvre de Dieu: il ne peut y avoir de
christianisme vécu sans ce redressement réaliste, sans échapper à la désarticulation
idéaliste qui replie l'homme sur lui-même et tourne son regard vers des
constructions, idéales.
Le christianisme n'est pas une règle
abstraite, un idéal de vie, il est vie réelle du Christ en nous: le chrétien est membre du Christ, le Christ qui est au ciel depuis l'Ascension continue
à vivre et à agir sur la terre en nous, par ses membres que nous sommes, et le
christianisme consiste à réaliser ce que le Christ veut faire aujourd'hui par
nous, à être le Christ vivant par nous là où nous habitons ou travaillons, dans
toutes nos actions de chaque instant. Le Christ n'est pas un modèle extérieur
et idéal à imiter. Il est au dedans de nous, principe intérieur de notre vie de
chrétiens.
J. Daujat (Idées modernes – Réponses chrétiennes p 100,101)
Résolution
La Charité se vit à l’instant
présent, dans la réalité présente.
Relisons ce que nous dit Mgr Williamson de la réalité, relisons les
ouvrages de du R.P. de Caussade et le livre du R.P. Garrigou-Lagrange sur La Providence. Et puis luttons contre cet idéalisme qui
nous fait rêver de pratiquer la Charité plus tard ou ailleurs.
Pour se procurer le livre du R.P. de Caussade ici et celui du R.P. Garrigou-Lagrange ici