Charité surnaturelle et noblesse humaine
Dans l'hymne de saint Paul à la
charité (1 Co 13, 1), il est deux vérités particulièrement
importantes qui apparaissent entre beaucoup d'autres à celui qui lit
attentivement.
D'abord la charité surnaturelle
suppose la noblesse naturelle du caractère ou du moins, elle la suscite
lorsqu'elle ne l'a pas trouvée. Loin de pouvoir se passer des dispositions
naturelles de générosité et de sens du risque, elle les requiert et, au besoin,
les fait naître.
Ensuite, si la charité adopte
souvent une attitude passive, ce n'est point parce qu'elle serait tiède et molle, ce
qui est impensable, mais parce que, dans son excès de générosité, elle prend sur soi,
elle supporte la peine du péché lorsqu’il ne reste plus d'autre moyen de la
combattre. Sa passivité est au-delà de l’action et non en-deçà ; de même
que le silence de Jésus devant le Sanhédrin est au-delà de ses imprécations aux pharisiens et non
en-deçà.
En commentant les versets de
saint Paul, nous verrons mieux la qualité si particulière de la passivité dans
la charité surnaturelle en même temps que son exigence de noblesse.
Celui qui aime est patient, non parce qu'il ne sent pas le
mal et qu'il s'y trouve indifférent; mais, parce que, dans sa lutte contre le
péché, il consent à souffrir et à supporter
autant qu'il sera nécessaire pour la guérison du pécheur. Celui qui aime est bon, non qu'il ne sache
s'opposer quand il faut; mais il sait résister sans devenir mauvais ; il est
capable de refuser sans se durcir. Celui qui aime
ignore l'envie; certes il désire ardemment de
bien faire; il est sensible à l’émulation du bien; mais il ne se plaint pas;
tout au contraire il se réjouit de ce que
d’autres fassent mieux. Celui qui aime n'agit
pas à tort et à travers; non qu’il se soit retiré forcément de l'action et
qu'il ménage sa tranquillité ;
mais son goût de l'action est assez brûlant et purifié pour être devenu sage et
avoir perdu sa fièvre. Celui qui aime ne cherche pas son intérêt, non qu'il se
désintéresse de l’issue de ses entreprises, mais il se désintéresse de son
égoïsme. Celui qui aime ne s’irrite pas; il
ne se laisse pas aller à cette colère qui éclate au niveau de l’amour propre et de la vanité ; il est
serein; pourtant cette sérénité de l'amour peut s’échapper en colères
foudroyantes lorsqu'il n'est plus d'autres moyens de tirer les pécheurs de leur
endurcissement mortel ou de soustraire aux entreprises des méchants les faibles
et les petits.
Celui qui aime consent à porter
sur soi le poids du péché du monde, en union avec le Sauveur crucifié. Qui ne comprendrait que cette passivité
suppose une générosité excessive et une flamme d’amour brûlante dans le cœur ?
Jamais le Fils de Dieu fait homme n’aurait pris nos péchés sur la croix si son
amour pour nous n’avait été ardent comme du feu. Il en est de même de son disciple s’il a
vraiment la charité.
R.P.CALMEL
Sel de la Terrre n°12 bis p 59,60