mardi 12 décembre 2017

DÉCEMBRE 2017

Soin et visite des malades


Témoignage de Sœur Lucie dans ses Mémoires II (p 19 à 21)
On venait souvent demander à ma mère de se rendre chez une personne malade. Maman laissait tout et partait en confiant ce qu'il y avait à faire à une de mes sœurs plus âgée qui était à la maison. 

Je me souviens d'un jour où marraine Teresa était chez nous, bavardant avec ma mère. Entra un petit garçon, fils de Ti Prazeres, qui habitait la maison voisine de la nôtre, sur le côté gauche en direction de Casa Velha. Il venait demander à maman de se rendre chez lui, car sa mère était malade. Maman se leva aussitôt pour y aller, mais marraine Teresa lui dit: 

- Ma fille, tu ruines ta santé en voulant ainsi soigner tout le monde. 

Ma mère répondit: 

- Ne vous en faites pas. J'aide les autres, et Dieu m'aide. 

Lorsqu'il lui arrivait d'être appelée pendant la nuit, c'était mon père qui se levait pour répondre, puis transmettait la commission à maman et, tandis qu'elle s'habillait, il allumait la lanterne pour qu'elle ne se heurte à rien en chemin.

Quand a sévi l'épidémie de pneumonie, en 1918, il n'y avait à la maison que mes parents, mon frère Manuel, ma sœur Gloria et moi. Il me semble que ma sœur Carolina était à Leiria. L'épidémie a frappé presque tout le monde. Ma mère et ma sœur Gloria allaient de maison en maison soigner les malades. Un jour, l'oncle Marto avertit mon père de ne pas laisser aller maman et ses filles chez les malades pour les soigner, car c'était une épidémie très contagieuse et nous pourrions aussi tomber malades. 

Le soir, quand mon père rentra à la maison, il défendit à ma mère et à ses filles d'aller soigner les malades chez eux. Maman écouta, en silence, tout ce que mon père disait et répondit après: 

- Ecoute, tu as raison. C'est exactement comme tu le dis. Mais, regarde, comment pouvons-nous laisser mourir tous ces gens sans qu'ils aient un verre d'eau? Le mieux serait que tu viennes avec moi pour constater l'état dans lequel se trouvent ces personnes et juger si nous pouvons les laisser à l'abandon. 

Et, montrant du doigt une grande marmite suspendue dans la cheminée au-dessus du foyer, elle dit: 

- Tu vois cette marmite ? Elle est remplie de poulets. Quelques-uns ne sont même pas à nous: je les ai rapportés de chez les malades, car les nôtres ne suffiraient pas pour tous. Ils sont en train de cuire pour faire du bouillon. J'ai déjà les petites marmites, qui leur appartiennent. Si tu voulais m'accompagner, tu m'aiderais à porter les paniers contenant les marmites de bouillon et, en même temps, tu verrais et nous déciderions comment il faut agir. 

Mon père accepta. Ils remplirent les marmites de bouillon et ils partirent tous les deux avec deux paniers, un dans chaque main. Peu après, mon père rentra avec un bébé dans son petit berceau et il dit à ma sœur Gloria et à moi-même:

- Prenez soin de ce petit. Ses parents sont tous les deux au lit avec la fièvre et ne peuvent s'occuper de lui. 

Il sortit de nouveau et peu après rentra avec deux enfants qui pouvaient déjà marcher, mais ne pouvaient se débrouiller seuls, et il dit: 

- Occupez-vous encore de ces deux petits: ils ne font que pleurer autour du lit de leurs parents qui ont la fièvre et ne peuvent s'occuper d'eux. 

Et ainsi, il en ramena plusieurs, je ne me rappelle pas combien. 

Le lendemain, on vint nous dire que, chez tante Olimpia, tout le monde était également au lit avec la fièvre. Mes parents y allèrent aussi pour les soigner. Ils les trouvèrent légèrement mieux, mais quatre d'entre eux demeuraient toujours avec une fièvre qui les minait petit à petit et l'un après l'autre. En peu d'années, il en mourut quatre: François, Jacinthe, Florinda  et Teresa. 

Pendant cette période, mes parents ne faisaient qu'aller de maison en maison pour soigner les malades. Mon père et mon frère Manuel s'occupaient également des bêtes qui, dans leurs étables, hurlaient de faim; ils devaient traire les vaches pour donner du lait aux malades et aux enfants. A ceux-ci, on donnait également des soupes de pain ramolli dans du bouillon; aux plus grands, quelques bouts de viande mélangés au bouillon, avec un peu de riz; la même chose aux malades qui allaient mieux. 

Les besoins étaient tellement grands que mes parents n'hésitèrent pas à me laisser aller pour quelques nuits chez une veuve qui vivait seule avec un fils tuberculeux au dernier degré; cette veuve pouvait ainsi se reposer, sachant qu'il y avait dans la maison une fille de 11 ans capable de donner à son fils un verre d'eau ou une tasse de bouillon et qu'il pouvait appeler en cas de besoin. Je ne me souviens pas du nom de la femme ni du fils, mais de leur maison qui était entre celle de tante Olimpia et celle des forgerons. Pour y entrer, on montait un escalier de pierre qui donnait sur la rue. Le jeune malade passait les nuits, assis dans son lit, appuyé contre les oreillers, sans pouvoir respirer. Quelquefois j'allais à la cuisine chercher l'éventail et je l'agitais devant son visage pour lui donner un peu d'air. Quand il me voyait là, il était tellement content qu'il prétendait mieux dormir ces nuits-là. 

On avertit aussi mon père qu'il était téméraire de me laisser aller dans cette maison à cause du danger de contagion. Mon père répondit: 

- Dieu ne me payera pas par le mal, le bien que je fais pour Lui. 

Et il en fut ainsi. Mon père avait raison d'avoir confiance, car j'ai presque 82 ans et je n'ai pas encore ressenti le moindre symptôme de cette maladie.



Résolution :

Rappelons-nous quelques unes des œuvres de miséricorde corporelle : donner à manger à ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, visiter les infirmes ...  En ce temps de Noël, pensons à visiter ou soulager l'un ou l'autre malade.