L'apostolat, œuvre de la Charité
Tous les apostolats sont loin de
se valoir. Il en existe toute une immense variété. S'il est vrai que la charité
est le principe et la mesure du zèle, que conclure sinon qu'il y a - au point
de vue puissance et fécondité - autant d'apostolats que de cœurs. Il en est,
comme chez les saints, d'étonnamment fructueux; par contre, combien de
malingres et de faible rendement !
De cet apostolat diminué, un
parfait ami, une vraie épouse de Jésus-Christ ne se contentera jamais. Il ne
lui suffit point d'être apôtre; il veut l'être au maximum. Ici, comme ailleurs,
la médiocrité ne fera point partie de son programme d'activité et de conquête. A
cette fin, il marquera son apostolat d'un triple caractère de surnaturel,
d'universalité et de dévouement.
Œuvre de charité en son principe,
son exercice, sa fin, l'apostolat se révèle, par là même, entreprise
essentiellement surnaturelle. Ce n'est point « métier », situation sociale, mais
vocation sainte, réponse à un appel divin. En pratiquant l'apostolat, je ne
fais point œuvre exclusivement humaine et personnelle; j'agis en collaborateur de Dieu : simple instrument entre ses
mains puissantes et salvatrices, Instrumentum
conjunctum cum Deo. De là, le
souci, dans le ministère apostolique, de n'apporter que des sentiments et des
vues surnaturelles : foi, humilité, confiance, pureté d'intention.
Foi en la grandeur, la nécessité,
la fécondité de mon apostolat. Humilité pour reconnaître, toujours et partout, avec
mes impuissances et mon indignité, mes lacunes et mes errements. Confiance
invincible en Dieu, en l'abondance de ses grâces rédemptrices, sans lesquelles
toute action ne peut qu'aboutir à l'avortement.
Surnaturel, tout apostolat doit
l'être encore dans son activité même. Sans proscrire absolument les moyens
naturels - car Dieu sait faire du surnaturel avec du naturel, et du divin avec
de l'humain - il importe absolument de garder leur primauté aux forces
spirituelles. Sacrifier celles-ci à ceux-là, serait plus qu'une faute, ce serait une erreur, grosse de conséquences. Il
existe toute une technique moderne et artificielle d'apostolat, qui peut fort
bien servir de travaux d'approche, d'apologétique renouvelée et de renfort
subsidiaire, mais ne remplacera jamais les grandes puissances apostoliques:
sainteté personnelle, prière, sacrifice, pénitence, charité, prédication intégrale
de l'Évangile et fréquentation des sacrements.
Reste enfin à n'apporter dans
l'apostolat que des vues désintéressées. Surveiller de très près sa droiture
d'intention : s'oublier totalement soi-même, pour ne penser qu'à Dieu et aux âmes.
Nulle préoccupation égoïste, nul souci d'amour- propre; succès personnel,
gloriole, intérêts matériels : tout cela compte peu pour un véritable apôtre de Jésus-Christ. On pratique
l'apostolat, non point pour se faire un nom, ou ramasser de l'argent, mais
simplement pour faire du bien, et sans rien attendre de personne.
« Nombre d'hommes apostoliques ne
font rien purement pour Dieu; ils se cherchent en tout, et mêlent toujours secrètement
leur propre intérêt avec la gloire de Dieu, dans leurs meilleures entreprises. On
passe ainsi la vie dans ce mélange de nature et de grâce. Enfin la mort vient,
et alors seulement on ouvre les yeux, on reconnaît son illusion et son
aveuglement, et l'on tremble à l'approche du redoutable tribunal de Dieu. » (
Lallemant, La Doctrine spirituelle) N'est-ce point à ces faux apôtres que Jésus
fait allusion dans l'Évangile : « Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur,
Seigneur, n'est-ce pas en votre nom que nous avons prophétisé? N'est-ce pas en
votre nom, que nous avons chassé les démons ? et n'avons-nous pas, en votre
nom, fait beaucoup de miracles ? » Alors, je leur dirai hautement: « Je ne vous
ai jamais connus. Retirez-vous de moi, ouvriers d'iniquité.» (Matth, VII, 22-23)
L'universalité : deuxième caractère
du zèle. Ce qui doit intéresser un véritable
apôtre, au cœur catholique, ce n'est pas seulement un groupe restreint d'âmes à
instruire, éduquer, soigner, convertir, sanctifier, mais c'est l'humanité entière
à l'exemple du Christ, mort pour le salut de tous les hommes. Notre zèle doit être
à la dimension de notre charité, d'une charité qui n'exclut personne et embrasse
tout le monde. Saint Paul n'avait-il pas la sollicitude de toutes les Eglises ?
Chrétiens, religieux, prêtres, pécheurs, schismatiques, hérétiques, païens; notre famille
humaine et religieuse, notre patrie, l'Eglise, l'univers : notre apostolat doit
s'étendre à tout et à tous. Tout homme est mon frère, et de son âme je rendrai
compte au tribunal de Dieu. Saint Gérard Majella avait écrit en tête de ses résolutions : « Je veux que toutes mes prières, communions et bonnes œuvres
procurent la conversion des pécheurs. A cette fin, j'offre ma vie en union avec
le Sang très précieux de Jésus. O mon
Dieu, je voudrais sauver autant de pécheurs qu'il y a de grains de sable sur le
bord de la mer, de feuilles sur les arbres, de plantes dans les champs, d'étoiles
au firmament, de rayons dans le soleil, en un mot, de créatures sur la terre. »
Reste enfin le dévouement : vertu
caractéristique du parfait apôtre de Jésus-Christ. L'apostolat, tel que le conçoit
le Sauveur, n'est pas une situation de tout repos ni une grasse sinécure; c'est
un poste d'avant-garde, laborieux et périlleux. Il implique l'oubli de soi, le
travail, le don de sa personne, de ses forces, de son activité et, à
l'occasion, le sacrifice de sa vie. Le bon pasteur qui n'est pas mercenaire,
donne sa vie pour ses brebis. (Jean X, 11)
Type par excellence de l'apôtre, saint Paul écrivait aux premiers chrétiens
: « Très volontiers, je dépenserai et je me dépenserai moi-même tout entier
pour vos âmes. » (II Cor, XII, 51) Un apôtre
n'épargne ni son temps, ni sa peine, ni ses sueurs. Il s'est fait tout à tous,
pour les gagner tous à Jésus-Christ. Esclave
de ses frères, taillable et corvéable à merci, il est à leur service, nuit et
jour, et sans rien réclamer. Une de ses maximes favorites, c’est qu’il vaut
mieux s’user que de se rouiller ; que l’essentiel n’est point de vivre
longuement, mais pleinement ; qu’on ne doit s’arrêter que lorsqu’on n’en peut
plus, et que la plus belle des fins est de mourir les armes à la main.
L.Collin
Retraite sur l’Amitié
de Jésus-Christ
Résolution :
Juillet, mois du Précieux
Sang. A l’image de notre Sauveur qui a
versé jusqu’à la dernière goutte de Son sang pour sauver les âmes, travaillons
dans le champ de l’apostolat, œuvre de Charité par excellence ! Les vacances nous présenteront peut-être des occasions
à ne pas laisser échapper.