dimanche 2 juin 2019

JUIN 2019


CINQUIÈME PAROLE
« J'ai soif.»





Extrait de : Du haut de la Croix (Mgr F. SHEEN)

Des sept cris, voici le plus court. Si dans notre langue il se compose de trois mots, il n'en comporte qu'un seul dans la langue originale. Au moment où Notre-Seigneur reprend son sermon, ce n'est pas pour une malédiction sur ceux qui le crucifient, ni un mot de reproche aux disciples apeurés au premier rang de la foule, ce n'est pas un cri de mépris pour les soldats romains, ni un mot d'espoir pour Marie-Madeleine, ni une parole d'amour pour Jean, ni un mot d'adieu pour sa mère. Ce n'est pas même à Dieu qu'il s'adresse en ce moment! Passant par ses lèvres desséchées, un mot terrible vient sourdre des profondeurs de son Sacré-Cœur : « J'ai soif! ».

Lui, l'Homme-Dieu, qui lança les étoiles dans leur orbite et les corps célestes à travers l'espace, qui « agita la terre comme une babiole à son poignet », qui du bout des doigts faisait tomber les planètes et les mondes, qui aurait pu dire : « La mer est à moi, et  avec elle les fleuves dans mille vallées, et les cascades dans mille collines », il demande maintenant à l'homme - l'homme, créature façonnée par ses mains - de l'aider. C'est à l'homme qu'il demande à boire! Non pas de l'eau de la terre, ce n'est pas là ce qu'il désire, mais de l'amour. « J'ai soif» - d'amour !

La parole précédente nous révélait les souffrances d'un homme sans Dieu; celle-ci nous révèle les souffrances d'un Dieu sans l'homme. Le Créateur ne peut vivre sans la créature, le berger sans brebis, ni la soif d'amour du Christ sans l'âme des chrétiens, seule eau qui puisse le désaltérer.

Mais qu'a-t-il fait pour prétendre à mon amour? Jusqu'à quel point Dieu m'a-t-il aimé? Oh! Si je veux savoir combien Dieu m'a aimé, que je sonde alors les profondeurs de sens de ce mot « amour », mot si souvent employé et si peu compris! Aimer, c'est avant tout donner, et Dieu a donné sa puissance au néant, sa lumière aux ténèbres, son ordre au chaos, et cela s'appelle la Création. Aimer, c'est confier des secrets à l'être aimé, et Dieu, dans les Écritures, a révélé les secrets de la nature, et ses grands desseins pour l'humanité déchue, et cela s'appelle la Révélation.  Aimer, c'est aussi souffrir pour l'être aimé, et c'est pourquoi nous parlons des traits et des flèches de l'amour - quelque chose qui blesse - et Dieu maintenant est en train de souffrir pour nous sur l'arbre de la Croix, car « nul ne peut avoir d'amour plus grand que de donner sa vie pour ses amis ». Aimer, c'est aussi ne plus faire qu'un avec l'être aimé, non seulement dans l'unité de la chair, mais dans l'unité d'esprit, et Dieu nous a aimés au point d'instituer l'Eucharistie, afin que nous puissions demeurer en lui et lui en nous dans l'ineffable unité du Pain de vie. Aimer, c'est aussi désirer être éternellement uni à l'être aimé, et Dieu nous a tant aimés qu'il nous a promis la maison de son Père, où règnent une paix et une joie que le monde ne peut donner et que le temps ne saurait ravir, et cela s'appelle le Ciel.

Sans aucun doute son amour s'est épuisé. Le Christ ne pouvait faire plus qu'il n'a fait pour sa vigne. Ayant déversé toutes les eaux de son éternel amour sur nos pauvres cœurs desséchés, est-il surprenant qu'il ait soif d'amour? Si l'amour est réciproque, alors il est certain qu'il a droit à notre amour. Pourquoi n'y répondons nous pas?  Pourquoi laissons-nous le Cœur divin mourir de la soif 
des cœurs humains? A juste titre, il pourrait se plaindre :


Vois, tout te fuit, parce que tu me fuis !
Être étrange, pitoyable, futile !
Pourquoi quelqu'un te choisirait-il  pour t'aimer,
Puisque nul sauf moi ne fait grand cas de ce qui n'est rien ?
[(dit-il)
Et l'amour humain doit être mérité par l'homme:
Comment as-tu mérité-
Toi,  la plus vile parcelle de toute la grossière argile humaine? Hélas, tu ne sais pas combien tu es peu digne d'amour!
Qui trouveras-tu pour t'aimer, être indigne,
Si ce n'est moi,  et moi seul?
Francis THOMPSON.


Prière.

Ô Jésus, vous avez tout donné pour moi, et cependant je ne vous donne rien en retour. Combien de fois êtes-vous venu vendanger dans la vigne de mon âme, pour n'y trouver que quelques grappes! Combien de fois avez-vous cherché, pour ne rien trouver, avez-vous frappé, et la porte de mon âme vous restait fermée! Combien de fois m'avez-vous demandé à boire, pour ne recevoir de moi que vinaigre et fiel !

Combien de fois ai-je craint que, vous recevant, j'aie à renoncer à tout; sans comprendre que si j'avais la flamme, j'oublierais l'étincelle, si j'avais tout le soleil de votre amour j'oublierais la lueur d'une affection humaine, si j'avais le bonheur parfait que vous seul donnez  j'oublierais les bribes que peut donner la terre. Ô Jésus, mon histoire est la triste histoire du refus de rendre cœur pour cœur, amour pour amour. Par-dessus tous les dons humains, donnez-moi le don de sympathie pour vous.

Résolution

Comment vais-je répondre à cette demande ?