La Vierge du Sourire
Le 20 avril 1911, à Édimbourg,
entrait par le Baptême dans l'Eglise catholique un ministre presbytérien, le
Révérend Alexandre Grant. C'était le premier membre de l'Eglise Libre-Unie d'Ecosse
qui passât à la confession romaine. Trois
jours après, une lettre adressée à la Mère Prieure du Carmel de Lisieux
retraçait en ces termes la genèse de cette abjuration :
« Il y a
maintenant plus d'un an que j'ai, pour la première fois, fait la connaissance de
l'autobiographie de Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus (traduction anglaise). Je
l'ouvris au hasard, et je m'arrêtai de suite devant la beauté et l'originalité
des pensées. Je trouvai qu'il m'était tombé entre les mains l'œuvre d'un génie,
aussi bien que celle d'une théologienne, d'un poète de premier ordre... Je
ressentis ce qu'éprouve une personne à qui le monde invisible apparaît tout
d'un coup, et je m'écriai : Thérèse est
dans cette chambre ... ; son image revenait sans cesse à mon esprit; elle refusait
de me quitter, et il me semblait l'entendre dire : Voici comment les saints catholiques aiment Jésus-Christ. Écoutez-moi ! Choisissez ma petite voie, car elle est sûre
et c'est la seule véritable.
« … J'ai donc
commencé d'invoquer son aide avec une joie que je renonce à décrire. Mais un
jour, elle me dit subitement : Pourquoi
me demandez-vous de prier pour vous, si vous ne voulez pas connaître et
invoquer la Sainte Vierge? Aussitôt,
je compris combien c'était peu logique d'invoquer Thérèse et de négliger la
Mère de Dieu. La lumière s'était faite; immédiatement, je m'adressai à la
Sainte Vierge. La promptitude de la réponse m'étonna. A l'instant, mon âme fut
débordée par un amour passionné, nouveau-né, un amour qui s'est agrandi et qui
maintenant est un abîme. »
L'année suivante, l'ex-pasteur et
son épouse également convertie émigraient vers la France et s'installaient,
pour y accueillir les pèlerins, au Berceau de Thérèse à Alençon, dans la maison
de la rue Saint-Blaise qui venait d'être rachetée. C'est là que M. Grant devait
mourir saintement, le 19 juillet 1917, après avoir beaucoup travaillé et prié
pour le retour à l'Eglise de nos « frères séparés ».
On voit de quelle qualité fut le
choc psychologique et comment se situe, dans cette montée vers Dieu, le rôle de
notre Sainte. Son charme met en sympathie, il attire, il séduit, il conquiert.
Mais il n'est lui-même qu'un reflet du charme de la Vierge; il oriente vers
elle, il invite à la confiance filiale, à l'abandon total entre ses mains
maternelles. Marie s'empare alors de l'âme en quête de vérité; elle l'ouvre,
elle l'épanouit à cette tendresse familière qui émeut délicieusement le Cœur du
Père des Cieux et prépare l'invasion de sa Charité Infinie. Plus encore qu'une
conversion, c'est une révélation, une ascension. Le passage de l'erreur à la
foi débouche sur la voie d'enfance qui ouvre d'emblée la perspective des plus
hautes cimes évangéliques. (…)
C'est ce qui donne à
l'appellation de « Vierge du Sourire » sa portée actuelle. Les affres de deux
hécatombes mondiales, immédiatement suivies d'une épuisante « guerre froide »,
les crises qui ébranlent l'économie et dissolvent les Etats, le souffle
desséchant du matérialisme athée et du totalitarisme avilissant, ont fait
passer sur l'humanité une vague de désespérance. Une génération se lève,
critique, amère, désenchantée, prête à sombrer dans l'aventure sanglante comme,
par évasion, à se ruer vers le bourbier. On parle de « grande peur ». On
applaudit au « théâtre noir ». Le pessimisme fait école dans les chaires de
philosophie. Les savants s'épouvantent de leurs propres découvertes que tournent
à détruire les passions non contenues par « un supplément d'âme », « On dirait,
déclare Pie XII, un monstre apocalyptique né d'une civilisation où le progrès
toujours croissant de la technique
s'accompagne d'une baisse toujours plus profonde de l'esprit et de la morale. »
Aux déçus, aux lassés de la vie,
en cette nuit ténébreuse, qui rendra l'espérance ? Qui fera luire à nouveau
l'astre de Bethléem? Qui donnera le sens d'une religion chaude, vivante,
personnelle, «sensible au cœur » ? Qui rappellera aux hommes qu'ils ont un Père
dans les Cieux et qu'ils doivent s'aimer comme frères ? Qui enfin arrachera les
chrétiens eux-mêmes à l'engourdissement d'une pratique routinière pour les
faire accéder, dans la simplicité et l'humilité de la foi pure, à la vie de
famille à laquelle Dieu les convie ? Marie a reçu cette mission. Il appartient
à la Maman de refaire un climat de sincérité et de paix au foyer de l'humanité,
d'y réchauffer l'affection et le dévouement mutuel, d'y réveiller la joie de
vivre. C'est pour cela qu'elle est apparue à Thérèse. C'est pour cela qu'elle
l'a constituée messagère de l'Amour Miséricordieux. C'est pour cela qu'elle
aime être invoquée, en union avec sa privilégiée du Carmel, sous le titre de «
Vierge du Sourire ».
La Sainte de Lisieux a grâce
d'état pour communiquer l'ineffable secret qu'elle reçut aux Buissonnets au
jour béni du 13 mai 1883. Comme le dit avec autorité Mgr Picaud, évêque de
Bayeux, elle se plaît à le confier aux âmes qui lui sont très unies. Elle leur
apprend l'itinéraire de sa « Petite Voie » : « aller au Père par Marie et
par Jésus, mais sans jamais quitter ni Jésus ni Marie. »
R.P.PIAT
La Vierge du Sourire (p 102 à 105)
Résolution :
Ce texte de 1 951 n’a rien perdu de son actualité, la situation décrite s’étant seulement aggravée. Alors, le remède reste le même : à l’image de Sainte Thérèse, attirons les âmes vers notre Mère du Ciel ; notre sourire, notre rayonnement nous y aideront.