dimanche 12 mai 2024

Mai 2024

La Vierge du Sourire

 


Le 20 avril 1911, à Édimbourg, entrait par le Baptême dans l'Eglise catholique un ministre presbytérien, le Révérend Alexandre Grant. C'était le premier membre de l'Eglise Libre-Unie d'Ecosse qui passât à la confession romaine.  Trois jours après, une lettre adressée à la Mère Prieure du Carmel de Lisieux retraçait en ces termes la genèse de cette abjuration :

« Il y a maintenant plus d'un an que j'ai, pour la première fois, fait la connaissance de l'autobiographie de Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus (traduction anglaise). Je l'ouvris au hasard, et je m'arrêtai de suite devant la beauté et l'originalité des pensées. Je trouvai qu'il m'était tombé entre les mains l'œuvre d'un génie, aussi bien que celle d'une théologienne, d'un poète de premier ordre... Je ressentis ce qu'éprouve une personne à qui le monde invisible apparaît tout d'un coup, et je m'écriai : Thérèse est dans cette chambre ... ; son image revenait sans cesse à mon esprit; elle refusait de me quitter, et il me semblait l'entendre dire : Voici comment les saints catholiques aiment Jésus-Christ.  Écoutez-moi !  Choisissez ma petite voie, car elle est sûre et c'est la seule véritable.

« … J'ai donc commencé d'invoquer son aide avec une joie que je renonce à décrire. Mais un jour, elle me dit subitement : Pourquoi me demandez-vous de prier pour vous, si vous ne voulez pas connaître et invoquer la Sainte Vierge?  Aussitôt, je compris combien c'était peu logique d'invoquer Thérèse et de négliger la Mère de Dieu. La lumière s'était faite; immédiatement, je m'adressai à la Sainte Vierge. La promptitude de la réponse m'étonna. A l'instant, mon âme fut débordée par un amour passionné, nouveau-né, un amour qui s'est agrandi et qui maintenant est un abîme. »

L'année suivante, l'ex-pasteur et son épouse également convertie émigraient vers la France et s'installaient, pour y accueillir les pèlerins, au Berceau de Thérèse à Alençon, dans la maison de la rue Saint-Blaise qui venait d'être rachetée. C'est là que M. Grant devait mourir saintement, le 19 juillet 1917, après avoir beaucoup travaillé et prié pour le retour à l'Eglise de nos « frères séparés ».

On voit de quelle qualité fut le choc psychologique et comment se situe, dans cette montée vers Dieu, le rôle de notre Sainte. Son charme met en sympathie, il attire, il séduit, il conquiert. Mais il n'est lui-même qu'un reflet du charme de la Vierge; il oriente vers elle, il invite à la confiance filiale, à l'abandon total entre ses mains maternelles. Marie s'empare alors de l'âme en quête de vérité; elle l'ouvre, elle l'épanouit à cette tendresse familière qui émeut délicieusement le Cœur du Père des Cieux et prépare l'invasion de sa Charité Infinie. Plus encore qu'une conversion, c'est une révélation, une ascension. Le passage de l'erreur à la foi débouche sur la voie d'enfance qui ouvre d'emblée la perspective des plus hautes cimes évangéliques. (…)

C'est ce qui donne à l'appellation de « Vierge du Sourire » sa portée actuelle. Les affres de deux hécatombes mondiales, immédiatement suivies d'une épuisante « guerre froide », les crises qui ébranlent l'économie et dissolvent les Etats, le souffle desséchant du matérialisme athée et du totalitarisme avilissant, ont fait passer sur l'humanité une vague de désespérance. Une génération se lève, critique, amère, désenchantée, prête à sombrer dans l'aventure sanglante comme, par évasion, à se ruer vers le bourbier. On parle de « grande peur ». On applaudit au « théâtre noir ». Le pessimisme fait école dans les chaires de philosophie. Les savants s'épouvantent de leurs propres découvertes que tournent à détruire les passions non contenues par « un supplément d'âme », « On dirait, déclare Pie XII, un monstre apocalyptique né d'une civilisation où le progrès toujours  croissant de la technique s'accompagne d'une baisse toujours plus profonde de l'esprit et de la morale. »

Aux déçus, aux lassés de la vie, en cette nuit ténébreuse, qui rendra l'espérance ? Qui fera luire à nouveau l'astre de Bethléem? Qui donnera le sens d'une religion chaude, vivante, personnelle, «sensible au cœur » ? Qui rappellera aux hommes qu'ils ont un Père dans les Cieux et qu'ils doivent s'aimer comme frères ? Qui enfin arrachera les chrétiens eux-mêmes à l'engourdissement d'une pratique routinière pour les faire accéder, dans la simplicité et l'humilité de la foi pure, à la vie de famille à laquelle Dieu les convie ? Marie a reçu cette mission. Il appartient à la Maman de refaire un climat de sincérité et de paix au foyer de l'humanité, d'y réchauffer l'affection et le dévouement mutuel, d'y réveiller la joie de vivre. C'est pour cela qu'elle est apparue à Thérèse. C'est pour cela qu'elle l'a constituée messagère de l'Amour Miséricordieux. C'est pour cela qu'elle aime être invoquée, en union avec sa privilégiée du Carmel, sous le titre de « Vierge du Sourire ».

La Sainte de Lisieux a grâce d'état pour communiquer l'ineffable secret qu'elle reçut aux Buissonnets au jour béni du 13 mai 1883. Comme le dit avec autorité Mgr Picaud, évêque de Bayeux, elle se plaît à le confier aux âmes qui lui sont très unies. Elle leur apprend l'itinéraire de sa « Petite Voie » : « aller au Père par Marie et par Jésus, mais sans jamais quitter ni Jésus ni Marie. »

R.P.PIAT

La Vierge du Sourire (p 102 à 105)

Résolution :

Ce texte de 1 951 n’a rien perdu de son actualité, la situation décrite s’étant seulement aggravée.  Alors, le remède reste le même : à l’image de Sainte Thérèse, attirons les âmes vers notre Mère du Ciel ; notre sourire, notre rayonnement nous y aideront.