vendredi 29 décembre 2023

Décembre 2023

 

L’orgueil, fondement de l’empire de Satan, premier ennemi de la Charité

 

Filius hominis non venit ministrari sed ministrare. (Matth., xx, 28)

Le fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir.

 

Par le péché de nos premiers parents, le Démon s'était emparé de l'homme et de toutes les créatures. « Tous les royaumes et toutes les richesses du monde sont à moi, disait-il à Notre-Seigneur: je te les donne si tu veux m'adorer » (Matth, IV, 9). En descendant sur la terre, notre divin Rédempteur est comme un Roi qui, après une longue absence, vient reprendre son empire et chasser l'usurpateur. Lui-même annonce son entreprise en disant: « Le moment est venu où le Prince de ce monde va être mis à la porte: Nunc princeps hujus mundi ejicetur foras»  (Jean, XII, 31),

La guerre commence à la grotte de Bethléem.  Ô profondeur de la sagesse de Dieu!  C'est en naissant dans une étable, pauvre et humilié, que le divin Conquérant ébranle jusque dans ses fondements la puissance infernale. C'est en se faisant esclave qu'il commence à dépouiller Lucifer, et à justifier le nom mystérieux que lui-même a reçu des prophètes. Vous l'appellerez, dit Isaïe : Hâte-toi d'enlever les dépouilles; hâte-toi de ravager. (Is, VIII, 3)

L’orgueil, c'est-à-dire l'esprit d'insubordination, est le fondement le plus profond de l'empire de Satan, l'appui le plus solide de son trône. C'est la chaîne la plus lourde et la plus difficile à rompre, dont il ait chargé l'homme, son esclave. Pour briser cette chaîne et miner ce fondement, que fait le Verbe éternel ? A l'orgueil et à la désobéissance, élevés jusqu'au comble, il oppose l'humilité la plus profonde et la soumission la plus complète. Il se fait esclave et il en remplit les fonctions.

« Voyez, dit Bède le Vénérable, le Fils de Dieu devenu l'Enfant de Bethléem. À peine est-il né, que, pour nous délivrer de l'esclavage, il se fait inscrire comme sujet de César, et paie le tribut de la servitude » (Luc, II). Ce n'est là qu'un premier signe de dépendance: en voici un second.  Afin de commencer à payer les dettes de notre orgueil, au prix de ses abaissements et de ses souffrances, il se laisse, tendre enfant, lier comme un esclave dans les langes du berceau. Pour lui, ces langes sont l'annonce et la figure des cordes, dont il devra un jour se faire lier par les bourreaux, en marchant au supplice.

Sa vie entière n'est qu'un long acte de servitude. Pendant trente ans, lui, le Maître du monde, obéit à deux de ses créatures, Marie et Joseph, et erat subditus illis. Constamment aux ordres de l'un et de l'autre, tantôt, à la voix de saint Joseph, il travaille à dégrossir le bois nécessaire pour l'état de son père nourricier; tantôt, à la voix de Marie, il ramasse les menus fragments de ce bois pour le foyer. On le voit tour à tour balayer la maison, puiser de l'eau, ouvrir et fermer l'atelier. «En un mot, dit saint Basile, Marie et Joseph, étant pauvres, étaient obligés de vivre du travail de leurs mains. Pour exercer l'obéissance et montrer le respect qu'il leur portait, comme à ses supérieurs, le Verbe fait chair se livrait à tous les travaux qu'il pouvait humainement accomplir ».

L'histoire rapporte comme un prodige d'humilité, que saint Alexis, fils d'un des plus grands seigneurs de Rome, voulut vivre, et vécut en effet, pendant dix-sept ans comme un serviteur inconnu dans la maison de son père. Mais qu'est-ce que l'humilité de ce saint, comparée à l'humilité de l'Enfant de Bethléem? Entre fils et serviteur du père de saint Alexis, il y a sans doute une différence de condition; mais c'est une différence bornée. Entre Dieu et serviteur de Dieu, la différence est infinie. Ce n'est pas tout: en se faisant serviteur de son Père, le Fils de Dieu s'est fait par obéissance serviteur de ses propres créatures, et erat subditus illis.

O Dieu! et nous refuserons de nous soumettre au glorieux esclavage de cet aimable Enfant, qui, pour nous sauver, s'est lui-même dévoué à la servitude la plus profonde! Plutôt d'être les heureux serviteurs de ce Monarque si grand, nous aimerons mieux être les esclaves dégradés du démon! A ce Roi si bon et si magnifique, nous préférerons Satan: maître cruel qui n'aime pas ses serviteurs, mais qui les hait, qui les traite en tyran, qui les dépouille et les rend malheureux dans ce monde et dans l'autre!

Si nous avons à nous reprocher une pareille folie, pourquoi ne pas sortir sur-le-champ de notre honteuse et déplorable servitude? Pourquoi, délivrés de l'esclavage du démon, ne prenons-nous pas, ne couvrons-nous pas de nos baisers, les douces chaînes qui nous rendent serviteurs et frères de l'Enfant de Bethléem ; qui nous attachent glorieusement à lui, et qui se changeront en couronne de gloire pour l'éternité?

O Monarque du monde, devenu esclave et serviteur pour l'amour de moi! J'ai honte de paraître aujourd'hui devant votre crèche, monument éternel de vos abaissements. Je rougis à la pensée de mon orgueil, au souvenir de mes folies et de mes ingratitudes. Reprochez-les-moi, aimable Enfant; vous avez raison. « J'avais brisé vos chaînes, me dites-vous, et vous m'avez dit: je ne veux pas de la liberté que vous m'offrez; je préfère l'esclavage; j'aime mieux être soumis au démon qu'à vous ».

Je reconnais ma faute et je m'en repens. Vos mérites infinis, ô mon Sauveur, animent mon espérance. J'attends mon pardon de cette inépuisable bonté, qui ne vous permet pas de mépriser un cœur contrit et humilié, cor contritum et humiliatum, Deus, non despicies. Prenez les chaînes de votre amour, mettez-les à mes pieds et à mes mains; que je ne puisse jamais les rompre ni faire aucun mouvement contraire à votre volonté. J'aime mieux, aimable Enfant, être votre serviteur que le maître du monde. De quoi sert le monde entier à celui qui est privé de votre grâce ? (Mtth, XVI, 46)

Mgr Gaume

Bethléem ou l’école de l’Enfant-Jésus

 

Résolution

En ce temps de Noël, contemplons l’Enfant de la Crèche qui nous donne le plus grand exemple du remède à l’orgueil : l’humilité.  Pour soutenir notre méditation, n’hésitons pas à user d’ouvrages comme Bethléem ou l’école de l’Enfant-Jésus (Mgr Gaume) ou Noël : neuvaine et méditations (Saint Alphonse de Liguori)