mardi 4 février 2020

FEVRIER 2 020

Jésus et la Samaritaine


Bien souvent, hélas, le prochain est un écran de Dieu au lieu d’être un transparent de Dieu. Par son attrait humain ou le vertige de la chair, il nous attire à lui, nous perdant en lui et avec lui.  A moins, qu'au contraire, il nous demeure étranger, indifférent.  Dans nos contacts avec les autres, bien peu nous livrent Dieu. Il suffirait, cependant, de nous rencontrer en son Nom « pour que Dieu soit » au milieu de nous.

Le comportement vis-à-vis du prochain fait d’abord l'objet d'un devoir primordial puisque semblable au premier de tous : l'amour de Dieu.  L’Évangile nous l’enseigne : « Mon Commandement est que vous vous aimiez les uns les autres ».  Et l'apôtre Saint Jean ajoute : « Aimez-vous…  C'est le Commandement du Seigneur, et à lui seul, il suffit ».

Nous oublions généralement que nous ne pouvons mesurer l'amour de Dieu qu'à travers l'amour que le Christ nous a manifesté.  Or, le Christ nous a aimés comme son prochain, et pour cela, il a commencé par se faire homme, c’est-à-dire semblable à nous.  Mais bien plus, Il a donné sa vie pour nous.  Ne serait-il pas logique alors que nous aussi nous donnions notre vie pour nos frères, sous quelque forme que fût ce don?

L'amour du prochain exige de nous une attention particulière : l'attention qui est la base de toute charité.  Différents seront les aspects qu'elle pourra revêtir : selon les cas, l'attention sera intellectuelle, psychologique ou sensible.  Cependant, ces différentes formes de l'attention présentent un caractère commun : une sortie de soi-même pour se concentrer dans autrui.  Ce don de soi exige certaines conditions.  Pour donner sa vie, il ne faut pas être prisonnier de soi-même, mais désapproprié, vidé, dégagé de tout lien d'égoïsme, jusqu'à renoncer à la réussite personnelle de sa vie.  Se concentrer en autrui, tel est le but de cette libération.  Cette concentration, analogue à celle que réclame un travail intellectuel, est toutefois différente en ce qu’elle doit être désintéressée.  Le don de soi ne doit pas s'accompagner d'un retour sur soi-même.

L'attention au prochain est pour lui, et pour lui seul.  Il nous faut le considérer d'une manière objective sans chercher à projeter sur lui un reflet de notre personnalité.  Aimer le prochain sera avant tout prendre conscience de son existence profonde, réelle, individuelle.  Cela implique que nous le regardions au lieu de nous contenter de le voir.  Dans la parabole du bon Samaritain, le prêtre et le lévite voient le pauvre malheureux gisant à terre : ils le voient et passent outre.  Alors que le Samaritain le voit aussi, mais s'arrête et cherche ce dont cet homme a besoin.

Regarder autrui, c'est donc s'efforcer de découvrir ses besoins, ses désirs, ses tendances, ses difficultés, ses aspirations, ses souffrances. Après les avoir découverts, il faudra lui donner ce dont il manque, et non pas seulement ce qu'il nous plairait de lui donner.

Tout cela requiert une ouverture d’âme qui n’est pas une tendance innée.  Aussi faudra-t-il se livrer à une éducation de l'attention.  Pourquoi ne pas penser d’avance à nos rencontres avec les autres ?  Ne pourraient-elles pas avoir une place dans notre examen de prévoyance ?  Je verrai telle personne aujourd'hui, que puis-je dire, que puis-je faire pour elle, que sont ses préoccupations ?  Nous préparons bien une lettre, une démarche, pourquoi ne pas préparer nos rencontres mêmes banales, car rien n'est banal au regard de Dieu ?  L’attention engendre les attentions, c'est-à-dire les délicatesses qui ouvrent la vie de son cœur et frayent le chemin de la grâce…  Si nous lisons attentivement l'évangile, nous verrons avec quelle délicatesse Notre-Seigneur sait dire aux âmes qu'Il rencontre la parole qui lui livrera leur cœur et prouve la divine « attention » qu’Il leur porte.

Ainsi, peu à peu, l'attention devient un état habituel, cet « état d’âme amical »  qui s’appelle aussi la bonté.  Or, cette bonté qui consiste à s'oublier pour penser aux autres, n'est possible que si nous sommes désencombrés de nous-mêmes.

Ce devoir d'amour du prochain est peut-être le plus difficile de tous.  Il demande de surmonter les tendances les plus profondes de notre être, et, d'autre part, il ne laisse place à aucune illusion en nous obligeant sans cesse à passer à l'acte.  Il s'appuie négativement sur le détachement et positivement sur l'amour.

Nos contacts fréquents avec le prochain sont donc une occasion merveilleuse de vivre l'instant présent.  Rencontrant Dieu sous des aspects divers, nous pouvons nous unir à Lui sans cesse, faisant en chaque instant ce que Lui-même nous demande de faire.

R.P. Victor de la Vierge

Résolution

De la manière dont nous percevons le prochain dépend notre zèle apostolique.